Derrière
Il n'y avait pas vraiment d'heures.
Il
faisait un peu froid dehors, mais nous étions à l'intérieur de notre
café favoris avec Théo. Il parlait de sa nouvelle copine, moi je
m'ouvrais enfin un peu sur ce qui me fait sourire. Et puis, je ne sais
plus trop comment on en est arrivé là. Quoique, je crois que je fais
semblant d'avoir oublié pourquoi on en était arrivé là.
Théo m'a simplement dit : "Nous nous connaissons depuis que tu étais avec David".
Seulement deux ans alors.
Et
puis, quand j'ai vu qu'il allait parler de Lui, j'aurais voulu qu'il se
la boucle, qu'il ne me dise pas ce que je tentais de ne pas voir.
"Au fait, il y a des rumeurs comme quoi il serait en prison dans le Sud"
Il a fallu une dizaine de mot pour effacer mes soupçons.
Ce n'était pas une rumeur, c'était tout simplement vrai.
Je
ne sais pas, Théo m'a regardée bizarrement, comme si il pensait avoir
dit une bêtise. Je me suis sentie mal quelques secondes, puis je me
suis approchée de Théo, pour verser deux petites larmes. C'est bête à
dire, mais malgré tout le Mal qu'il m'a fait, je sais que je ne
pourrais jamais lui en vouloir.
Théo m'a demandée si j'aimais encore David.
Je l'ai regardé méchemment, il venait de dire une ineptie.
Bien-sûr,
que je ne l'aime plus. Je n'allais pas rester enfermée dans ce fantôme
tout le long de ma vie. Bien-sûr que je ne l'aime plus, j'ai assez
travaillé sur moi pour effacer tous sentiments amoureux à son égard, ce
magnifique affront que j'ai fais à moi-même en tombant amoureuse d'un
dealer, d'un camé et de tellement d'autres choses illégales. Je traîne
ce boulet dans ma vie amoureuse. Je le garde comme plus belle et grande
erreur de jeunesse.
Je n'ai pas pleuré de bonheur, comme si je
pensais que c'était bien fait pour lui, comme si je pensais qu'il y
avait une justice dans ce monde. Je ne peux pas comparer la tristesse
adolescente de l'Amour-Passion perdu à des mois de prisons, à un
jugement, à la peine de ne plus avoir de libertés.
Mais je ne le plains pas. J'en sais assez sur lui pour qu'il plonge environ une dizaine d'années.
Non,
j'ai pleuré comme une bécasse pour le David que 'j'avais connu. Ce lui
si fier, si beau dans la colère, celui avec qui je faisais l'amour,
celui qui était intelligent. J'ai revu nos joutes verbales en histoire.
Lui étant beaucoup plus pessimiste que moi sur le Monde. Moi voyant
l'Histoire comme la science de l'avenir.
Je me souviens de nos
conversation sur le Nazisme, lui qui était fier d'avoir un grand-père
allemand, qui de plus était rentré dans les SS. Moi aussi, j'avais un
grand père allemand. Ou plutôt alsacien. Il m'a toujours dit qu'il
n'avait jamais été si heureux que le jour où on lui avait imposé
d'aller travailler en Allemagne. Même qu'il y est resté.
Je me
suis toujours demandée comment David avait pu arriver à un tel point de
révolte vis à vis des autres, pourquoi il était devenu égoïste, lâche,
imbue de sa personne. Je l'ai connu brisé par une fille, je lui ai fais
remonter la pente, je n'ai rien reçu en retour, sauf peut-être la
satisfaction d'avoir tenté de l'aider.
Qui sait vraiment ce qui s'est passé entre nous deux ?
Qui est au courant du mec incroyable que je connais ?
Deux
ans plus tard, je me traîne sur ce passé, et je constate qu'on a
décidément pas tous le même destin. Que parfois celui-ci se déchaîne
sur l'autre.
La dernière fois que je l'ai vu, il m'a annoncée
que la fille avec qui il couchait (et non pas sa copine) était
enceinte, et qu'il partait dans le sud se refaire une santé.
Son dernier sms date de Août.
Depuis silence radio.
Ma
pudeur de ne pas m'imposer dans la vie des autres m'a retenue face à la
curiosité parfois maladive de savoir ce qu'il devenait. Peut-être pour
constater que je n'avais jamais réussi à l'aider.
Je fais
quelques recherches pour savoir si tout cela est vrai. Je vois son père
en ville, mais je me vois mal lui dire " Excusez-moi, c'est vrai
que...."? Un fils d'àpeine vingt ans en prison, cela ne doit pas se
porter si facilement que cela.
Il avait des projets, David.
Il
voulait se ranger. Il suivait un psy et il aimait bien dire du Mal de
moi, pour ensuite venir pleurer dans mes bras, comme ce fameux jour de
Juin, où nous avons passé six heures ensemble. Nous nous étions
embrassé, peut-être pour se rassurer qu'on était bien là l'un pour
l'autre. Je n'avais plus envie de rien avec lui, même pas de le voir
tous les jours. Mais quand en juin, j'ai vu l'homme que j'ai aimé le
plus dans mon adolescence pleurer et encore pleurer, en me demandant ce
qu'il allait devenir, j'ai dû mentir, en lui traçant un avenir en
quadricolor. Je me souviens de mes paroles fausses, de mes espoirs
faux, de la lumière éteinte dans mes yeux. "Bien-sûr, tu vas t'en
sortir"... Et je rajoutais en moi " Tu t'en sortiras par la mort ou la
prison maintenant". C'était une issue fatale. Il sniffait devant moi
toute les dix minutes et je sais que le coussin sur mon ventre s'en
souvient encore.
C'est peut-être à ce moment là, que je me suis souvenue que j'avais voulue un enfant de lui.
C'est peut-être à cet instant, ou plutôt (le chien..) dans l'été.
J'étais folle de lui parce que 'j'ai réussi à me construire un avenir.
Je n'y pense pas trop à tout cela, de peur de déterrer tous les vieux démons.
Mais cette nuit, j'ai rêvé qu'un ami de David me disait: " Mais non il n'est pas en prison! Il est au Sénégal! D'ailleurs je lui ai envoyé une lettre pour qu'il me renvoie un peu de coke"
Et puis tout s'acclèrait, et je le vois se faire tirer dessus. Le sang
qui coule, les cachets, la drogue, les armes et tout le reste, tout ce
que je n'ai jamais dis à personne, de peur d'être jugée, de peur.
Toujours de peur. Même si pour moi, tout ce que je voyais passer, cela
n'avait aucune valeur.
Le premier mec que j'ai aimé, à vouloir me tuer quand il est parti, est aujourd'hui en prison.
A méditer pour tous ceux qui n'ont jamais compris à quoi mène ce petit jeu.
Nous sommes dans une socièté de Droit.Le Droit est partout. Il était normal que cela se finisse ainsi.
Mais
cela fait mal. Cela touche le sentiment d'amitié profonde. Car si je
n'avais pas connu David, je ne serais pas celle que je suis
aujourd'hui, je ne serais pas la Marie qui regarde cette vie avec ce
sourire d'enfant.
Alors juste Merci. A toi, David.
Pour tout. Le Bien et le Mal.
Je pense que je vais t'écrire.